Toute une histoire



« Je vais faire attention à ce que je mange »

C’est ce que je me suis dit la première fois.
Et en cet été 2019 je ne me doutais pas de ce que signifiait cette phrase pour la suite…

Après les vacances, Septembre, le collège reprend c'est la troisième, enfin, la dernière année!

La première fois, je rentrais du collège , j'étais chez papa “yes je peux me faire un big goûter! ” alors je mange une puis deux tartines de pain de mie avec du beurre, un puis deux bols de céréales en me disant :  “ de toute façon je ne prend jamais de poids” .
Le lendemain , même scénario  « tiens c’était bon hier, je vais refaire pareil. En plus les prochains jours je suis chez maman donc je ne ferai pas de goûters comme ça.
Papa ne surveille pas ou alors il voit MAIS ne dit rien,  tant mieux” et je mange une et deux tartines de pain de mie avec du beurre et un puis deux bols de céréales. Et c’est là que ça commence. Je cherche tout ce que je pourrais manger d’autre. Alors je mange encore et encore jusqu’à ne plus avoir faim.

Deux semaines plus tard l’association de spectacle dans laquelle je suis bénévole (RaisCréations) organise un spectacle, je vais retrouver mes amis ! Ce week-end,là , j'ai rencontré une personne, une fille, une fille qui  me donne beaucoup d’affection, (l’affection justement dont je manque chez papa) Je commence à lui parler sur Instagram. Au début tout se passe bien. On discute, je la fais rire car c’est quelqu’un d’assez négatif, elle me fait un peu penser à moi avant. Lorsque je me plaignais pour attirer l’attention dont je manquais.

Quelques semaines plus tard, elle est de plus en plus dans ma tête, elle et sa négativité. Je redeviens peu à peu comme avant sans m’en rendre compte. J’écoute de la musique triste et je me sens de plus en plus seule et triste chez papa. Je lui dis que je crois que je suis dépressive et elle me dit qu'elle aussi et petit à petit, elle se confie et moi aussi. Nous entrons dans une spirale de négativité dans laquelle nous nous entraînons mutuellement.

 Je lui demande de plus en plus d’amour, d’attention; car chez papa je n’ai pas cette affection que je cherche à compenser avec elle. Mais elle me dit qu’elle n’en est pas capable. Alors je deviens une personne triste qui dépend des autres.
 
Ce vide que je ressens, il faut que je le comble, avec n’importe quoi, mais il faut qu’il disparaisse .

Je comble alors ce manque par de la nourriture, je fais des goûters énormes, mais seulement chez papa, chez maman je n'en  ai bizarrement pas besoin. Je le fais un jour « Oh c’est trop bien les goûters comme ça », le lendemain je le refais « Bon je ne  le referais pas » le troisième jour « Ok demain je ne prends pas de petit-dèj » et le matin, la tentation est trop forte. Le paquet de pain de mie et le beurre dans le frigo m’appellent, je mange, « d’accord je ne prends pas de goûter » et quand je rentre du collège je prends un goûter. Mais mes goûters sont de plus en plus énormes et la culpabilité aussi. A chaque fois que je sais que je rentre chez papa, j’essaie d’anticiper et de compenser soit en faisant du sport car j’adore ça, soit en loupant des repas. De plus en plus je me regarde dans le miroir en me demandant si oui ou non je suis devenue grosse.

Cette situation durera 6 mois. Entre-temps cette fille me laisse tomber, à cause de ce que je lui demandais. Je me sentais mal dans mon corps et dans ma tête. Je me sens de plus en plus seule, de plus en plus triste, la dépression commence. Je cherche alors à nier cette tristesse qui m'envahit; je ris, je partage des moments avec les autres, je fais comme d’habitude en ne montrant pas la culpabilité qui grandit en même temps que mes goûters.
  • A partir de lundi, les écoles, les collèges, les lycées et les universités seront fermés “. On est confinés. Le soir où je regarde cette allocution, je suis chez mon beau-père, plus proche de Paris. On allait à l’enterrement de mon arrière-grand-mère, à Paris. Pendant le trajet, ma mère, mon beau-père, ma soeur et moi, nous arrêtons au Mcdo. Je prends le wrap et pour la première fois… une salade. D’habitude, je prends des frites avec, mais cette fois là je cherchais à ne pas prendre plus de poids
  • après la cérémonie, nous sommes allés chez mes grands-parents où ils avaient préparé plein de choses à manger. “Merde “. Je commence avec une clémentine. “Trop bon”. Deux clémentines. “ ça va c’est des fruits “. Une madeleine, puis deux, et ça y est ça commence, je cherche tout ce que je peux manger. Et puis le soir, l’apéro, je mange, et le resto après,” des légumes ou des frites? Allez, foutu pour foutu, vu ce que j’ai mangé aujourd’hui je peux prendre les frites”.

Mi Avril, j’ai commencé le sport en live sur insta, je m'intéresse de plus en plus à la nourriture. Les goûters ont laissé la place à de petites crises pendant les repas, avec du pain et des pommes. Le soir je m’endormais à deux heures du matin car je me sentais mal dans mon corps. Je réfléchissais à comment j’allais compenser le lendemain. Et je continuais à suivre cette “coach” sur insta en regardant aussi bien ses lives que ses post de ses assiettes qui contenaient des quantités minuscules.
Alors un jour de Mai, je me suis dit “ je vais faire comme elle, je vais me restreindre” et depuis ce jour, je ne mangeais que de toute petites quantités. En voyant ça, ma mère ne me laissait pas le choix de manger mais je résistais et elle avait un grand caractère et elle a réussi à me faire manger au moins un peu plus que ce que je me servais. Courant Juin, la coach a arrêté les lives et j’ai dû me débrouiller par moi-même pour faire du sport. Et c’est là que commence la descente aux enfers car je faisais du sport tous les jours pour éliminer ce que je mangeais et je n’arrivais plus à m’arrêter, je culpabilisais si je ne faisais pas de sport pendant un jour. Je ne savais plus quoi faire, alors j’ai mis un post sur la page facebook que la fameuse “coach” avait créée pour sa communauté. “Je n’arrive pas à arrêter le sport. Je me sens fatiguée mais je ne sais pas quoi faire”. Et là des gens me répondent et me disent qu’il ne faut pas faire du sport tous les jours car le corps à besoin de repos. Alors j’arrête pendant une journée mais ce jour-là je ne mange qu’une feuille de salade pour toute la journée. Et je me rends compte que lorsque je me lève, je vois du noir.

Et puis, un jour où je faisais du sport, et où ma mère dormait dans sa chambre, c’est là que mon corps a dit “stop”. J’ai fait une crise d’angoisse pire que celles que j’ai faites pendant le confinement. Je pleurais, ma voix sifflait et j’étais essoufflée. Heureusement ma mère m’a entendue et elle est descendue et m’a consolée. On a parlé pendant une heure ou une heure et demie. Et c’est là que je me suis confiée totalement à ma mère, chose que je n'avais pas faite depuis très longtemps car je n’avais peut-être plus confiance. Et suite à cette discussion, nous avons pris rendez-vous chez une psychiatre que nous connaissons, une nutritionniste, le médecin et le centre Barbara à Nantes.

Je vais chez la psychiatre, elle parle de dépression. 28 Juin. Premier rendez-vous chez la nutritionniste. Elle diagnostique une anorexie, me pèse, 47.8, mes parents s’inquiètent, elle les rassure et me donne une trame à suivre pour suivre un peu ce que je mange. 3 Juillet. Je commence la muscu. Le coach me donne des conseils, il me dit de manger des bananes, des oeufs, aliments que je déteste de base mais que je réessaie et que j'apprécie car avec la maladie tout ce qui se mange, même sans sucre pour les yaourts, je le mange sans me poser de question.

Septembre. La rentrée. Je devais rentrer à l’internat mais avec la maladie l’infirmière n’a pas voulu prendre de risque. Et le sport s’est arrêté suite à ma perte de poids trop importante.

 Février 2021. J’ai repris pas mal de poids. Je suis passée de 42,2 à 52,1 en 6 mois.. J’ai fait un séjours de 5 cinq jours à l'espace Salomé. Ce qui m’a donné un énorme déclic et c’est grâce à ça. Maintenant mon moral va beaucoup mieux et mon corps aussi. 

         Nora 26/02/2021