Constance Mars 2021

Auteur : BLOG BARBARA Date : 26 mars 2021

Un témoignage d’une ancienne patiente de Barbara, étudiante en médecine, qui a réussi à se sortir de la maladie. Un regard à la fois dur et touchant sur les souffrances que peuvent engendrer les troubles alimentaires.

L’image ! Hier j’ai vu un.e anorexique sévère. Un IMC inférieur à 12. Pour une norme entre 18,5 et 25. Lorsqu’elle.il m’a montré son escarre sacré… j’ai cru voir le "fessier d’un animal". Tout ce qui fait de nous un être humain avait disparu chez ce.tte patient.e, plus rien entre la peau et les os.

En le.la voyant, j’ai vu quelque chose. Cette attitude, emmitouflée dans un manteau et de multiples gilets. Il y avait quelque chose de tellement « anorexique » dans son attitude. Un air d’oiseau fragile. Mais pas un oiseau que l’on a envie de recueillir, plutôt un oiseau à l’air décharné et féroce qui ne veut pas qu’on l’aide. J’ai senti ce.tte patient.e si loin de moi. Si loin de mon monde et du monde réel. Je l’ai senti dans cet espace si fermé et si familier de la prison psychologique.

Et « il.elle ne m’a pas donné envie ». Pour quelqu’un de non-malade cette phrase est d’une logique implacable. Qui voudrait ressembler à un squelette ambulant, n’est-ce pas ? Mais quand on est/a été dans un TCA … la réalité est différente. Pourtant on le.la voyant je me suis dit « non ». Tous ces patients anorexiques décidés, squelettiques, camouflés sous leurs vêtements, têtus et dans une maîtrise folle. Et bien je n’ai plus voulu y ressembler. J’ai pris conscience que ma nouvelle silhouette de fille « normale" était tellement plus belle, tellement plus rassurante. Parce que c’est cela le sentiment qu’a créé ce.tte patient.e chez moi : « l’inquiétude ». Je me suis sentie presque angoissée à côté d’il.elle, comme projetée dans un monde psychiatrique qui me fait peur.

Et mon monde à moi, en famille, entre amis, scolaire, avec des repas gourmands et sans contrôle m’a tendu les bras. Et j’ai eu envie de m’y jeter. À corps et à cris perdus. J’étais si heureuse d’avoir cette bulle de réconfort, d’avoir mon monde à moi, loin de toute cette folie ambiante. Ma silhouette non recroquevillée, libre, sans mouvement parasite de doigts agrippés autour d’un gilet, de manche tirées jusqu’aux ongles, … Cette apparence si normale m’a tellement plu. Je me suis plu. J’ai aimé comment j’étais. J’ai aimé me dire que j’avais eu la force, l’envie et la pertinence d’accepter de reprendre du poids et d’avoir un IMC normal. Ce sentiment de normalité ne m’a jamais autant rassurée. J’ai vu toutes les possibilités que la vie m’offrait à moi, et plus à ce.tte patient.e enfermé.e en psychiatrie. J’ai vu tous les combats sociétaux que je pouvais mener, j’ai vu les études que je pouvais terminer, j’ai vu la crédibilité que je pouvais acquérir auprès d’autrui. 

J’ai compris qu’avant de penser à ce que pense les autres de moi, avant d’avoir besoin d’être comprise par mon entourage ; il fallait d’abord que je pense à moi, à ce que je ressens et à ce que je veux.

"Un vent de liberté a soufflé"

Constance

1 commentaire

  • 1

    De Marie
    08/04/2021, 21:01

    J’ai du mal à trouver mes mots après avoir lu les tiens... ton texte me parle tellement ! Quand on commence à sortir de ce cycle infernal, à voir un peu de lumière au bout du tunnel, à voir enfin ce que la vie peut être si on l’accepte et si l’on s’accepte, qu’est ce que cela fait du bien ! Quand je regarde en arrière j’ai parfois (et tant mieux d’ailleurs !) vraiment du mal à me comprendre...
    En tout cas merci beaucoup pour ton témoignage, et bravo à toi, bravo pour ce combat que tu as gagné ! ??

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